Jérôme Cerutti: Quand le projet devient un véhicule de dialogue avec le milieu de la pratique

Jérôme Cerutti est candidat au doctorat en aménagement du territoire et développement régional sous la direction de Manuel J. Rodriguez (ESAD, titulaire de la Chaire de Recherche CRSNG en eau potable), et la codirection de Irène Abi Zeid (FSA), Roxane Lavoie (ESAD) et assisté par Luc Lamontagne (FGS). Motivé par la consolidation des liens entre le milieu de la recherche et le milieu de la pratique, il se démarque par son approche pluridisciplinaire innovante. Pour ce premier texte de la nouvelle Vitrine sur la recherche au CRAD, nous vous présentons un portrait de son parcours, sa vision de la recherche en aménagement et ses aspirations.

 

Sur quoi porte votre doctorat?

Dans le cadre de la réalisation de ma thèse, j’ai recours aux principes de l’intelligence artificielle et de la recherche-action afin de systématiser le transfert de connaissances et le savoir-faire acquis par les acteurs impliqués dans la prise de décisions en matière de protection des sources. Mes travaux mettent à profit des raisonnements informatiques qui s’inspirent des processus naturels de résolution de problème afin de faciliter la prise de décision qui protègeront les précieuses ressources en eau du Québec.

Comme les processus décisionnels impliquent différentes échelles et parties prenantes, je documente le fonctionnement du réseau de connaissances et interroge les interactions entre les acteurs qui composent celui-ci. Pour y parvenir, j’emprunte des techniques de recherche en sciences sociales et en sciences de l’administration et tente de répondre à des questions telles que: Quels sont les liens entre les parties prenantes? Pourquoi certains acteurs sont-ils absents des processus de décision? Sur quelles données les acteurs s’appuient-ils dans les processus décisionnels? Et finalement, quels rôles jouent les différents acteurs dans la mise en œuvre de la protection des sources d’eau potable au Québec?

De quelle façon utilisez-vous les principes de l’intelligence artificielle?

Mon approche est en lien avec un champ d’étude de l’intelligence artificielle (IA) qui s’appelle « l’apprentissage automatique », plus précisément, j’utilise les techniques de « raisonnement à partir de cas (RàPC) », plus connue sous le nom de Case-Based Reasoning (CBR) qui a été développé dans les années 80-90, pour retrouver de l’information en se basant sur des cas passés. Cette approche de l’intelligence artificielle me plait, car on sait expliquer pourquoi le système te recommande telle ou telle action à mettre en œuvre. C’est beaucoup plus transparent que le « Deep Learning » et ça évite l’effet boite noir des algorithmes d’IA. Le monde de l’informatique s’en sert de plus en plus dans un courant appelé « Explainable IA ».

Quelles sont vos qualités de chercheur?

Je me décris comme étant soucieux du milieu de la pratique. Ayant débuté par un processus très collaboratif dès le départ, deux ans ont été nécessaires pour bien connaitre le réseau d’acteurs. Je me décris aussi comme quelqu’un qui aime sortir des sentiers battus. Le fait d’aborder le transfert de connaissances sous différents angles (ATDR, FSA et Informatique), a allongé le processus, mais m’a permis d’avoir un pied dans trois facultés, de créer des ponts entre les disciplines et de développer une perspective franchement originale sur l’aménagement du territoire.

Selon vous, quel est le rôle de la recherche dans l’évolution des débats en lien avec les grands enjeux de l’aménagement du territoire?

Lors de la réalisation du terrain, j’ai constaté que les acteurs avaient beaucoup de vécu à partager, notamment au niveau de la dynamique du travail en collaboration et des enjeux liés à l’utilisation des résultats de la recherche. Je pense qu’en impliquant les acteurs du terrain, que ce soit les OBNL, organismes publics, initiatives citoyennes, on peut avoir un impact sur l’évolution des connaissances et leur application dans les mécanismes décisionnels. De plus, je pense que cela peut favoriser le dialogue entre les parties prenantes du milieu de la pratique.

Comment voyez-vous l’avenir de la recherche en aménagement du territoire?

J’entrevois l’avenir de la recherche en aménagement du territoire de façon enthousiaste. Selon moi, le défi des prochaines années sera de renforcer les collaborations entre les équipes de recherche et le milieu de la pratique. Par l’exercice de mandats en lien avec le transfert de connaissances lors de processus décisionnels, je souhaite participer à la co-construction de solutions aux problèmes sociaux et environnementaux.


Les entrevues du Centre de recherche en aménagement du territoire visent à faire connaître les projets de recherche de ses membres à l’ensemble de la communauté.