Émilie Houde-Tremblay, récipiendaire du Prix Jean-Pierre-Collin de la meilleure thèse en études urbaines

Le réseau Villes Régions Monde décerne le Prix Jean-Pierre-Collin de la meilleure thèse en études urbaines à Émilie Houde-Tremblay (diplômée ATDR, professionnelle de recherche) pour sa thèse de doctorat en aménagement du territoire et développement régional à l’Université Laval réalisée sous la direction de Geneviève Cloutier (membre régulière, ÉSAD) et de Alain Olivier : « « Ce que l’on sème, c’est des relations » : Regards sur le déploiement de l’agroécologie comme projet sociopolitique à Madrid, Espagne ».

Félicitations Émilie pour cette belle reconnaissance !

Émilie Houde-Tremblay, diplômée du doctorat en ATDR et professionnelle de recherche


Pour en savoir plus sur le parcours d’Émilie : Vitrine CRAD

Pour lire la thèse d’Émilie : Corpus UL

Résumé de la thèse :

« L’agroécologie, proposition holistique et complexe, à la fois globale et territorialisée, s’est érigée au cours des dernières décennies comme référent social permettant de décrire et de rassembler de nombreuses initiatives engagées dans la transformation des systèmes alimentaires. Elle repose sur des principes écologiques visant à restaurer les fonctions clés des agroécosystèmes. Elle s’appuie aussi sur une série de principes normatifs soulignant la nécessité de repenser les arrangements sociaux, économiques et politiques jugés responsables des crises écologiques et sociales auxquelles nos systèmes alimentaires et plus largement nos sociétés, sont aujourd’hui confrontés. Selon divers penseurs, l’agroécologie est toutefois à la croisée des chemins. Face à la multiplication des projets se revendiquant de l’agroécologie et face à son institutionnalisation grandissante, plusieurs s’inquiètent de voir ses dimensions sociopolitiques diluées. Pour complémenter les réflexions en cours sur la cooptation et la dépolitisation de l’agroécologie en milieu rural et en rapport aux environnements politiques aux échelles nationales et internationales, cette thèse propose une réflexion sur les dynamiques à l’œuvre en contexte urbain. Elle s’appuie sur l’étude du cas de Madrid, en Espagne, contexte où tout un mouvement social se réclame de l’agroécologie et où l’agroécologie a percolé dans la sphère institutionnelle. Alliant plus d’une centaine d’heures d’observation, 26 entretiens semi-dirigés et de la recherche documentaire, la thèse explore quatre expérimentations agroécologiques (deux jardins urbains et deux initiatives de distribution) ainsi que le paysage plus large de l’agroécologie à Madrid. Elle se structure autour de trois chapitres, qui prennent la forme d’articles scientifiques. Le premier chapitre offre un portrait des dynamiques marquant la circulation du référent agroécologique à Madrid. Il met en lumière un double rôle des acteurs du mouvement agroécologique dans la mobilité du référent. D’une part, les acteurs du mouvement contribuent à disséminer le projet agroécologique. D’autre part, ils travaillent à préserver son caractère transformationnel, et de ce fait, limitent sa circulation. Les résultats amènent à voir l’articulation de mobilisations et d’actes politiques traditionnels à des pratiques quotidiennes et discrètes, dont la nature politique est moins explicite, voire débattue. En explorant les pratiques fines d’apprentissage et le choix des balises, la recherche souligne l’influence des modèles et des élites de la connaissance, mais surtout la complexité des processus par lesquels l’agroécologie est assemblée localement. Le second chapitre explore l’évolution des pratiques du mouvement agroécologique et analyse le rapport que les acteurs entretiennent avec les dimensions contradictoires de leurs pratiques. L’opérationnalisation de l’agroécologie étant confrontée aux contraintes des régimes au sein desquels elle se déploie, les acteurs font des compromis pouvant être interprétés comme une forme de dépolitisation ou d’affaiblissement des dimensions politiques de l’agroécologie. Toutefois, les résultats suggèrent que ces compromis et ajustements, ainsi que les débats qu’ils nourrissent, témoignent d’une réflexion sociopolitique nuancée et d’une certaine politisation de l’agroécologie. Le troisième chapitre porte sur la rencontre entre luttes agroécologiques et luttes municipalistes opérée à Madrid. Il éclaire une trajectoire de mise en relation de ces deux projets et fait l’analyse des arrangements institutionnels et collaboratifs par lesquels les propositions agroécologiques ont été opérationnalisées. Le chapitre suggère qu’il y a certes des gains et des avancées, mais que ceux-ci restent fragiles ou limités par le rapport entretenu avec les enjeux alimentaires et agricoles, avec les formes de nature valorisées par l’agroécologie et avec la collaboration entre l’administration municipale et la société civile. Ces constats invitent à penser l’inscription des expérimentations dans le quotidien afin de favoriser les apprentissages et un repositionnement continu des individus. Cette thèse contribue au développement des connaissances sur la transformation de l’action collective et de l’action publique en matière d’aménagement du territoire et de développement des milieux urbains, en offrant un regard sur l’agroécologie urbaine et sur son appropriation par les acteurs locaux. En démontrant que le projet agroécologique s’inscrit dans une politisation des pratiques d’agriculture urbaine et de distribution de proximité, et qu’il s’est construit et déployé à partir des expérimentations locales, la thèse souligne la portée d’initiatives citoyennes dans l’opérationnalisation de changements sociaux et environnementaux. Elle éclaire la mécanique de construction de nouvelles normes, valeurs et pratiques collectives et contribue à la réflexion sur les approches permettant de comprendre les processus de transformations démocratiques et urbaines.»